La loi Hadopi invalidée par le Conseil Constitutionnel

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Thãd
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La loi Hadopi invalidée par le Conseil Constitutionnel

Message par Thãd »

Le Conseil constitutionnel a censuré, mercredi 10 juin, la partie sanction de la loi Hadopi la "riposte graduée" sur le téléchargement illégal. Considérant qu'"Internet est une composante de la liberté d'expression et de consommation", et qu'"en droit français c'est la présomption d'innocence qui prime", le Conseil rappelle dans sa décision que "c'est à la justice de prononcer une sanction lorsqu'il est établi qu'il y a des téléchargements illégaux".

Le Conseil constitutionnel estime donc que le projet de loi enfreint deux articles de la déclaration des droits de l'homme de 1789, qu'il est également chargé de défendre. D'abord, l'article 11 qui protège "la liberté de communication et d'expression" et qui "fait l'objet d'une constante jurisprudence protectrice" explique les sages. A ce titre le pouvoir de "restreindre l'exercice, par toute personne, de son droit de s'exprimer et de communiquer librement" ne peut "incomber qu'au juge" affirment-ils.

Ensuite l'article 9 de la déclaration qui "pose le principe de présomption d'innocence". "Seul le titulaire du contrat d'abonnement à Internet pouvait faire l'objet des sanctions instituées" dénonce le Conseil. Or "pour s'exonérer, il lui incombait de produire des éléments de nature à établir que l'atteinte portée au droit d'auteur procède de la fraude d'un tiers", ce qui institue "une présomption de culpabilité" que les Sages jugent inacceptable. "Le rôle de la Haute Autorité (Hadopi) est d'avertir le téléchargeur qu'il a été repéré, mais pas de le sanctionner", conclut le Conseil.

Christine Albanel veut amender le texte

Loin de renoncer, Christine Albanel, ministre de la culture, explique dans un communiqué qu'elle veut "compléter rapidement la loi Création et Internet pour confier au juge le dernier stade de la 'réponse graduée'". Pour amender la loi dans ce sens, le gouvernement devra toutefois repasser devant le Parlement. Par ailleurs, la ministre assure que "la mise en place de la Haute Autorité (...) exclusivement chargée du volet préventif de la lutte contre le piratage, se fera selon le calendrier prévu" et que "les premiers messages d'avertissement seront adressés dès l'automne aux abonnés à Internet".

Cette décision n'en reste pas moins un revers pour la ministre qui avait affirmé qu'Internet ne pouvait pas "être considéré comme un droit fondamental" lors de l'examen du projet de loi Hadopi. Sur ce point, le Conseil constitutionnel a rejoint les eurodéputés qui avaient voté le 6 mai un amendement au "paquet telecom" qui visait ainsi à imposer la décision d'une autorité judiciaire pour suspendre une connexion, et non pas d'une seule autorité administrative.

Les députés socialistes avaient déposé le 19 mai ce recours contre le projet de loi qui prévoyait de sanctionner le téléchargement illégal par une suspension de l'accès Internet, après deux mises en garde. La sanction devait être prononcée par une nouvelle Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet. "J'exulte" s'est exclamé Patrick Bloche, député PS de Paris et fervent opposant au projet de loi, contacté par Le Monde.fr. "Cette décision correspond exactement à notre position qui est de dire qu'Internet est un droit fondamental".
Patrick Roger et Jean-Baptiste Chastand (Lemonde.fr 10/06/2009)


Le texte de la décision du Conseil constitutionnel est tombé. Nous reproduisons ici in extenso le communiqué de presse du Conseil, avant analyse de la décision qui, finalement, ne fait que 14 pages (.pdf) :

Le 10 juin 2009, par sa décision n° 2009-580 DC, le Conseil constitutionnel a examiné le recours dont il avait été saisi par plus de soixante députés à l'encontre de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet. La saisine mettait en cause les articles 5, 10 et 11 de la loi.

I - Sur les articles 5 et 11 de la loi déférée.

L'article 5 de la loi crée la " Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet " (HADOPI). La commission de protection des droits de cette Autorité a pour mission de mettre en oeuvre les nouveaux mécanismes d'avertissement et de sanction des titulaires d'accès à internet qui auront manqué à l'obligation de surveillance de cet accès. L'article 11 de la loi définit cette obligation de surveillance.

Le Conseil constitutionnel, gardien des droits et libertés constitutionnellement garantis, a jugé que plusieurs des dispositions de ces articles 5 et 11 n'étaient pas conformes à la Constitution :

- La liberté de communication et d'expression, énoncée à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, fait l'objet d'une constante jurisprudence protectrice par le Conseil constitutionnel (voir dernièrement décision n °2009-577 DC du 3 mars 2009). Cette liberté implique aujourd'hui, eu égard au développement généralisé d'internet et à son importance pour la participation à la vie démocratique et à l'expression des idées et des opinions, la liberté d'accéder à ces services de communication au public en ligne.

Or les articles 5 et 11 de la loi déférée confiaient à la commission de protection des droits de la HADOPI des pouvoirs de sanction l'habilitant à restreindre ou à empêcher l'accès à Internet à des titulaires d'abonnement. Ces pouvoirs pouvaient donc conduire à restreindre l'exercice, par toute personne, de son droit de s'exprimer et de communiquer librement. Dans ces conditions, le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative dans le but de protéger les titulaires du droit d'auteur. Ces pouvoirs ne peuvent incomber qu'au juge.
- L'article 9 de la Déclaration de 1789 pose le principe de la présomption d'innocence duquel il résulte que la loi ne saurait, en principe, instituer de présomption de culpabilité en matière répressive (n° 99-411 DC du 16 juin 1999). Or, aux termes de la loi déférée, seul le titulaire du contrat d'abonnement à internet pouvait faire l'objet des sanctions instituées. Pour s'exonérer, il lui incombait de produire des éléments de nature à établir que l'atteinte portée au droit d'auteur procède de la fraude d'un tiers. En méconnaissance de l'article 9 de la Déclaration de 1789, la loi instituait ainsi, en opérant un renversement de la charge de la preuve, une présomption de culpabilité pouvant conduire à prononcer contre l'abonné des sanctions privatives ou restrictives du droit.

De cette double analyse au regard des droits et libertés constitutionnellement garantis, et sans qu'il ait eu besoin d'examiner les autres griefs des requérants, le Conseil constitutionnel a censuré, aux articles 5 et 11 de la loi déférée, toutes les dispositions relatives au pouvoir de sanction de la commission de protection des droits de la HADOPI.

Le Conseil constitutionnel a également examiné les pouvoirs d'avertissement confiés à la même autorité. Ces pouvoirs sont exercés à la suite de la transmission, par les sociétés d'auteur, de traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions. Dans sa décision n° 2004-499 DC du 29 juillet 2004, le Conseil avait jugé que de tels traitements ne peuvent, sous peine de contrevenir au droit au respect de la vie privée, acquérir un caractère nominatif que dans le cadre d'une procédure judiciaire. Tel n'aurait pas été le cas si la HADOPI avait disposé des pouvoirs de sanction prévus par la loi déférée. Cependant, à la suite de l'annulation de ces derniers, cette autorité ne dispose plus que d'un rôle préalable à une procédure judiciaire. Son intervention est justifiée par l'ampleur des contrefaçons commises au moyen d'internet et l'utilité, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de limiter le nombre d'infractions dont l'autorité judiciaire sera saisie. Il s'ensuit que les traitements de données à caractère personnel s'inscrivent dans un processus de saisine de juridictions compétentes et ne sont pas contraires à la Constitution. Le Conseil a cependant formulé une réserve pour rappeler qu'il appartiendra à la CNIL, lorsqu'elle sera saisie de la demande d'autorisation de ces traitements de données à caractère personnel, de veiller à ce qu'ils respectent cette finalité.

II - Sur l'article 10 de la loi déférée.

L'article 10 de la loi déférée confie au tribunal de grande instance le pouvoir d'ordonner les mesures nécessaires pour prévenir ou faire cesser une atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin. Le législateur n'a pas méconnu la liberté d'expression et de communication en confiant ce pouvoir au juge. Il appartiendra à la juridiction saisie de ne prononcer, dans le respect de cette liberté, que des mesures strictement nécessaires à la préservation des droits en cause.
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